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Témoignage de Lucie Melayers sur le projet DUNE DESIR

Lucie Melayers, ingénieure pédagogique au SUP à l'Université Rennes 2 de 2017 à 2021, a œuvré au sein du projet DUNE-DESIR pour accompagner et valoriser des projets de transformation et d'innovation pédagogique.

Pourriez-vous présenter les différentes actions menées au sein du projet DUNE-DESIR ?

L.M. Le projet avait pour objectif d'accompagner les transformations pédagogiques à travers les pratiques enseignantes. Pour se faire, plusieurs cellules agiles furent mises en place. 

Deux Appels à Manifestation d'Intérêt (AMI) pour les enseignants furent réalisés en 2017 et 2018 ; et gérés par une première cellule, dite AMI enseignants. Sur l'ensemble des dix établissements du consortium DESIR (Rennes 2, Rennes 1 et l'alliance Rennes Tech), il y a eu 50 projets pédagogiques retenus, bénéficiant d’un accompagnement d'un an et demi à 2 ans pour chacun, la première année les ingénieurs pédagogiques soutenaient le développement du projet, participaient, avec des ingénieurs techno-pédagogique / multimédias, selon les besoins de l’équipe projet, à la production des ressources et l’année suivante, il s’agissait de mettre en œuvre et d’évaluer le projet.

La Cellule Offre de formation a permis d'accompagner des enseignants dans leur développement professionnel en pédagogie universitaire, avec la mise en place du dispositif de formation Premier poste (suite à l'arrêté du 8 février 2018, fixant le cadre national de la formation pour le développement professionnel en pédagogie des MCF stagiaires, ndlr), co-construit entre les universités Rennes 1 et Rennes 2. Il y a aussi eu le déploiement de l'Offre de formation mutualisée, par la mise en commun des plans de formations et des ressources pédagogiques déjà existantes au sein de différents établissements d'enseignement supérieur du site rennais, dont peut bénéficier l'ensemble des enseignants-chercheurs. 

La Cellule Réseau a été développée afin de valoriser la transformation des pratiques pédagogiques et pour favoriser la mise en place d'environnements capacitants. Le premier temps fort a été l'évènement Langageons-nous, en lien avec des projets en langue. Cela a permis de mettre en réseau tous les acteurs sur une journée, avec plus d'une centaine de participants. Cette cellule a aussi impliqué tout un travail d'analyse des thématiques qui ressortent des projets enseignants. C'est dans ce cadre qu'ont été développés et mis en place le Midi de la pédagogie : ce rendez-vous mensuel rassemblait des enseignants intervenant sur une thématique commune, en lien avec la pédagogie universitaire. 

Enfin, la Cellule Actions étudiantes avait pour objectif d'impliquer les étudiants sur les questions pédagogiques. Nous avons lancé deux AMI étudiants, avec une douzaine de projets retenus et accompagnés. Plusieurs actions ont été menées, notamment deux éditions de Campus Remix, en 2018 et 2019. La première édition visait l’émergence d’idées favorisant la réussite étudiante, la seconde : la sensibilisation à des formes de pédagogies variées et la valorisation d’actions pédagogiques étudiantes avec le témoignage d’étudiants les ayant réalisés ; cela dans l’objectif de servir de tremplin, d’inspiration, pour l’AMI étudiants . Afin de permettre d’organiser cette seconde édition, les focus groupes réalisés avec les étudiants ont mis en lumière leur méconnaissance du panel de modèles d'enseignements existants, hors des modèles plus classiques. Mais il n'y a eu qu'une vingtaine de participants et peu d'étudiants, notamment ceux qui venaient présenter des projets, donc ça n'avait pas vraiment atteint l'objectif que l'on souhaitait atteindre. Nous nous sommes rendu compte que communiquer avec les étudiants, c'est tout un travail, rendu d'autant plus difficile avec les mouvements sociaux survenus à Rennes 2 cette année-là. Cette cellule a aussi permis avec les AMI étudiants à des projets d'étudiants d'émerger et de bénéficier d'une réflexion plus poussée, bien qu'avec les contraintes engendrées par la crise sanitaire, plusieurs projets ont été ralentis, voire empêchés. 

 

Quelle a été la place de la recherche au sein du projet ?

L.M. Toutes les actions décrites précédemment furent menées au sein de la Maison de la pédagogie, un des trois pôles du projet DUNE-DESIR. Deux autres pôles ont été impliqués dans le projet DUNE-DESIR.

Le pôle Data Tank travaille sur les learning analytics. Pour les projets impliquant l’usage de ressources numériques, notamment sur les plateformes Moodle des établissements, ce pôle a  notamment accompagné les enseignants sur l’analyse de données relatives à l'enseignement et à l'apprentissage et proposer une méthodologie d'exploitation des données.

Le pôle Living Lab est un laboratoire de recherche vivant, étudiant l'activité réelle des acteurs investis dans le projet DUNE-DESIR, en articulant des champs de recherche à des champs de pratiques. Dans la Cellule Actions étudiantes, le laboratoire a travaillé avec nous sur la notion d'engagement étudiant : nous nous sommes questionnés ensemble et nous avons pu, en tant qu'ingénieurs pédagogiques, apporter des retours de terrain. 

 

Quels ont été les impacts du projet DUNE DESIR sur le Service Universitaire de Pédagogie (SUP) de Rennes 2 ? 

L.M. Le SUP étant jeune car créé en décembre 2016, au début il n'y avait peu de ressources à disposition, ni beaucoup de moyens humains. DUNE-DESIR a permis de constituer une équipe d’ingénieurs pédagogiques au sein du SUP. Nous avons été nombreux à travailler sur ce projet dans le service : moi, mais aussi Claude Hamon, Yann Roullais, Elsa Chusseau, Pauline Lorcy, Simon Boschel, Johana Gutierrez... Il y a aussi eu un fort soutien de Sylvie Gastineau en tant que coordinatrice pour ce qui est de la gestion de projet, en apportant des outils et des méthodes. Tous les projets ont été accompagnés en individuel ou en binôme. L'articulation avec Rennes 1 et les autres établissements du site rennais dans le cadre des cellules agiles a également permis aux ingénieurs pédagogiques du SUP de se constituer un réseau de travail et de soutien professionnel.  

 

 

Quel a été le rôle des ingénieurs pédagogiques au sein du projet DUNE DESIR ?

L.M. Ça a été différent pour chaque projet. Les attentes n'étaient pas forcément les mêmes dans chaque établissement au niveau des besoins : obtention d'une enveloppe financière, conseil technique ou pédagogique... C'est le principe de l'accompagnement : c'est en mouvement et très varié, il n'y a pas de schéma type. Néanmoins, il y a des étapes obligatoires, comme le diagnostic, identifier les besoins du projet et pouvoir proposer une réponse adaptée, des porteurs étant plus autonomes que d'autres. Il s'agit d'accompagner les enseignants en réalisant toutes ces étapes pour pouvoir considérer l'ensemble du processus à mettre en œuvre. A chaque étape, il faut accompagner et soutenir les enseignants : organiser le projet, évaluer sa faisabilité, respecter le temps imparti…

 

Comment s'est opéré le travail collectif entre les ingénieurs pédagogiques ? 

L.M. Le souhait était de rassembler l'ensemble des ingénieurs pédagogiques recrutés dans DUNE-DESIR et les représentants des établissements de l'alliance Rennes Tech, qu’ils soient ingénieurs pédagogiques (ENSCR, Agrocampus, INSA, EHESP), conseiller en orientation et en insertion professionnelle (Sciences Po), ou encore enseignant-chercheur (ENS). C'était intéressant d'avoir des parcours hétérogènes pour cette mission d'ingénierie pédagogique. Il y a le SUP à Rennes 2 et l'équivalent à Rennes 1, le SUPTICE, service avec lequel nous avons pu travailler au sein des cellules agiles et en co-pilotage permanent, afin de croiser et d'enrichir les regards. 

La Maison de la pédagogie fut créée afin de regrouper tous ces acteurs : un groupe de travail d'ingénieurs pédagogiques fut monté, avec des rencontres assez régulières sur une journée complète, c'était très mobilisant. Il s'agissait de créer une dynamique de groupe, partager la vision que nous avions du projet, pouvoir échanger sur les thématiques, se former… Il y avait aussi la présence du Living Lab sur ces temps-là, car il y avait beaucoup de réflexion ! Nous étions dans une démarche d'échange et de développement professionnel, où chacun pouvait avoir la parole libre et où nous réfléchissions ensemble. Le Living Lab venait aussi collecter du matériel issu de nos réflexions et participait en soutien sur l'ensemble des actions de ce pôle, là où le Data Tank était là a posteriori et davantage en lien direct avec les enseignants-chercheurs.

 





 

 



Quelles compétences les ingénieurs pédagogiques ont pu développer ?

L.M. Les compétences personnelles des uns des autres furent mobilisées, mais ce qui a vraiment pu être développé c'est la gestion de projet et le travail en réseau. Ça comprend plein de choses : l'analyse des besoins, l'accompagnement, la recherche de solutions, l'analyse des résultats, l'évaluation du dispositif et de son impact. De fait, on peut aussi parler des compétences en accompagnement : à Rennes 2 nous faisons en sorte d'amener les enseignants vers l'autonomie, en leur donnant les moyens de réaliser leur projet, tout en étant en soutien et en appui, notamment sur de la gestion de projet ou la dimension technique. Donc c'est également des compétences techniques, notamment avec la plateforme pédagogique Moodle, pour prendre en main l'outil et connaître toutes ses possibilités. Il y a aussi le travail collaboratif : pratiquement tout a été produit en commun et réfléchit ensemble, nous étions toujours associés aux réflexions sur les cellules et sur ce que nous voulions montrer à la gouvernance en termes de résultats. La collaboration était vraiment au cœur de tout : avec Rennes 1 et au sein de la Maison de la pédagogie. 

Parmi les dernières actions, c'est principalement de la valorisation. Des compétences communicationnelles furent fortement développées dès que nous étions liés à de l'événementiel : la logistique, la préparation, les contacts, la gestion des salles... C'est plein de petites choses qu'on n'a pas forcément en tête ! Pour assurer les Midis de la pédagogie, il fallait prévoir le programme et relancer la dynamique au sein de chaque établissement. Avec le Living Lab, il y a eu tout un travail de valorisation à travers le site internet DUNE-DESIR. Les ingénieurs de recherche ont mené des entretiens de recherche et à partir de cela, réalisé des fiches projets que les ingénieurs pédagogiques ont pu venir enrichir par des éléments complémentaires. La publication de tous ces résultats a demandé un véritable travail d'écriture. 

Enfin, le séminaire de clôture de DUNE-DESIR a eu lieu le 1er juillet 2021 sur toute une journée, avec 4 tables rondes thématiques

  • Le rôle des pratiques numériques dans la transformation pédagogique : apports et limites
  • Quel accompagnement à l’innovation pédagogique ?
  • Travail collaboratif et communautés de pratique
  • Innovations pédagogiques et transformations
  • Quel engagement étudiant ?

 

Une idée que vous souhaiteriez mettre en avant ? 

L.M. Il y a plein de choses qui sont restées non visibles au sein du projet, car l'action était essentiellement centrée sur les projets enseignants. En tant que service d'appui, il y a aussi tout le travail caché et qui n'est pas forcément visible, comme la gestion de projet.

Pour revenir sur un aspect un peu en dehors du projet mais qui a tout de même un impact, c'est la situation précaire des ingénieurs pédagogiques recrutés sur projet, en contrats de travail courts. Nous sommes sur des projets de transformation des pratiques pédagogiques des enseignants, ils ont besoin de faire confiance aux personnes avec qui ils travaillent, il faut se connaître. Or, ce type de recrutement ne permet pas d'avoir une bonne connaissance du fonctionnement de l'établissement, d'identifier les acteurs et de créer des liens, tout simplement. Il s'agit entre autres d'aller rencontrer les enseignants, mais ces espaces de rencontre ne sont pas assez fréquents. 

Le SUP est un service jeune, donc les enseignants n'ont pas encore forcément identifié les actions du SUP, on ne s'occupent pas que des appels à projets ! Il y a aussi une offre d'accompagnement et d'appui qui existe, qui n'est peut-être pas entendue à ce jour. Peu de force et de moyens humains sont vraiment disponibles pour ce qui est au-delà des projets, mais ça serait bien que ça puisse se développer. Ce serait le seul point d'attention, car cela génère un turn over important, c'est nécessaire d'avoir en tête ces conditions de travail. En ce sens, DUNE-DESIR a pu provoquer une prise de conscience dans le dialogue de gestion au sein de l'établissement quant au renforcement des moyens humains du SUP, au-delà des projets.

 

Quels sont vos projets professionnels pour la rentrée universitaire 2021 ?

L.M. Après avoir passé 4 ans au SUP, je rejoins à la rentrée 2021 le pôle pilotage de la DEVU. J’occupe à présent le poste de Coordinatrice des Directeurs d’études. Je vais pouvoir continuer à mobiliser les compétences que j’ai pu développer en gestion de projet notamment, ainsi que les relations que j’ai pu créer avec les enseignants et personnels de l’université. Je suis satisfaite d’avoir pu aller au bout du projet DESIR et aujourd’hui d’intégrer un nouveau service qui va me permettre de découvrir un nouvel environnement professionnel et d’y développer là aussi d’autres compétences, en particulier sur l’animation du réseau des directeurs d’études.

Les collègues du SUP me manqueront c’est certain, mais je reste sur le campus donc je suis sûre que nous nous reverrons.

 

 

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